Histoire du Méprisé
Créée en 1904 cette sculpture marque le début de la carrière artistique de Célestin Manalt.
Érigée au Square et inaugurée le 14 juillet 1923, elle représente une étape importante dans la vie du sculpteur. En effet, cette oeuvre première fut offerte par le comité des Amis de Manalt et remise à la ville par les soins de M. Voulland, son président. Le Méprisé, « signe vivant de misère humaine dont l’image frappe le coeur et évoque la pitié » avait été montré au sculpteur Denys Puech sous la forme d’une épreuve photographique et ce dernier trouva cet essai extraordinaire de la part d’ un jeune homme n’ayant pas fait d'études. Les éloges sont unanimes et Henry Aragon, érudit local, écrit : « Dans ses étroits pieds nus plaqués au sol, son bras nerveux, ses doigts ouverts, dans ses épaules musculeuses, son cou rigide, ses yeux tristement fixes et pensifs, son crâne rond, chez ce Méprisé, j’allais dire ce déshérité, tout se tient ».(1)
Et Manalt tenait particulièrement à ce « révolté serrant le poing, le visage contracté par un rictus amer »(2). Il faut dire que la fière attitude du Méprisé porte le signe de la rébellion et s’inscrit certainement dans l’histoire familiale puisque Jean Manalt, son frère, fut un « opiniâtre militant qui contribua à l’organisation du premier parti politique moderne – socialiste – , dévoué corps et âme à la cause des exploités et des opprimés »(3).
Une anecdote touchante exprime l’attachement de l’artiste à cette sculpture : à la fin de sa vie, à demi-impotent, on pouvait voir dans le jardin public un mince vieillard, un seau d’enfant à la main. Furtivement il traversait la pelouse sur laquelle était érigée la statue du Méprisé et se haussant vers elle, il tirait du seau une éponge humide et s’évertuait à donner au bronze un lustre nouveau...
(1) Aragon, Henry. Les Vendangeurs du Roussillon. Revue catalane, 1919.
(2) À la mémoire de Célestin Manalt. Tramontane, 382, 1955.
(3) Balent, André. Jean Manalt (1865-1915). Massana, 16, 1972. |